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Gouvernement Barnier : en quoi consistent les vérifications de la HATVP ?

De quelques heures à quarante-huit heures chrono, pour éviter l’erreur de casting. Au cours du week-end, sitôt validés par Emmanuel Macron, les noms des trente-huit ministres pressentis du futur gouvernement Barnier doivent être transmis, en toute confidentialité, aux équipes de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP).
La feuille de mission est circonscrite : vérifier, avant la traditionnelle proclamation officielle sur le perron de l’Elysée, qu’aucun ministre pressenti ne se trouve en délicatesse avec le fisc ou ne présente de conflit d’intérêts manifeste avec son futur portefeuille, voire n’ait de mention problématique sur son casier judiciaire. Il s’agit autrement dit de limiter le risque d’un futur scandale que pourrait révéler la presse. Vendredi 20 septembre, la HATVP déclarait cependant au Monde qu’elle « ne confirmait ni n’infirmait que des vérifications avaient débuté », le processus reposant « sur un principe de confidentialité particulièrement strict ».
Créée en janvier 2014 après l’affaire Cahuzac, dévoilée par Mediapart – l’ex-ministre socialiste avait caché l’existence d’un compte à l’étranger –, la HATVP a pour rôle de contrôler, dans les détails, le patrimoine et les conflits d’intérêts éventuels des membres du gouvernement, des élus ainsi que des hauts fonctionnaires, après leur nomination. Si la loi ne l’impose pas, la possibilité de saisir la HATVP avant la nomination d’un gouvernement est vite passée dans les usages.
De fait, si cet examen anticipé de probité, exercé dans un temps limité par une toute petite équipe, ne vaut pas contrôle au sens de la loi – mais « transmission d’informations », selon le vocable de la HATVP – ou même quitus pour les futurs ministres, il permet tout de même à l’exécutif de se doter d’un filet de sécurité aux mailles resserrées. Emmanuel Macron n’avait ainsi pas manqué d’ouvrir le parapluie de la HATVP avant de valider les gouvernements Philippe (2017), Castex (2020), Borne (2022) et Attal (2024), comme l’avait fait François Hollande avant lui, dès le remaniement de 2016.
Concrètement, les noms retenus par le premier ministre, Michel Barnier, qui doivent être transmis par le chef de l’Etat au gendarme de l’éthique, selon la procédure, ont vocation à être passés au scanner avant toute annonce publique. Les informations dont dispose sur eux la HATVP (déclarations de patrimoine et d’intérêts s’il s’agit d’anciens élus ou hauts responsables publics, dispositions prises pour confier à un tiers la gestion de leurs placements financiers…), l’administration fiscale (situations fiscales) ou d’autres administrations compétentes (éventuelles affaires en cours) seront analysées de près, de même que toute autre information publiée par la presse. L’idée n’est pas d’effectuer un contrôle exhaustif – impossible dans le temps imparti –, mais, d’une part, de détecter ce qui pourrait empêcher certaines nominations et, d’autre part, d’identifier des risques de conflits d’intérêts.
A ce titre, le travail en cours à la HATVP ne différera pas des fois précédentes, si ce n’est que la liste proposée par Michel Barnier tend à faciliter la tâche des équipes. Nombreux sont en effet les futurs ministres à avoir exercé des mandats électifs, donc à avoir déjà transmis à la HATVP, comme le veut la loi, des déclarations de patrimoine (biens immobiliers, comptes bancaires, avoirs financiers…) et d’intérêts (activités rémunérées, passées ou actuelles…).
En réalité, si l’exercice pourrait revêtir cette année un caractère inédit, c’est parce que le président de la HATVP, Didier Migaud, pourrait figurer lui-même sur la liste des ministres sélectionnés par Michel Barnier, d’après l’Agence France-Presse. Ce qui conduirait la Haute Autorité à devoir opérer des vérifications sur son président en exercice.
Si le calendrier est respecté, les échanges engagés ou sur le point de l’être, notamment avec le fisc, par courriel et par téléphone, devraient se poursuivre dans le week-end, et jusqu’aux dernières heures précédant l’annonce à l’Elysée, prévue « avant dimanche [22 septembre] », selon Matignon. Une synthèse des travaux intégrant les éléments saillants de ce premier travail d’analyse sera remise à l’Elysée et à Matignon, afin que la décision politique s’ajuste en confirmant ses choix ou en rectifiant le tir, pour biffer le nom d’un ministre pressenti ou modifier son portefeuille. De fait, l’usage veut qu’en cas de difficultés identifiées ou pressenties, la Haute Autorité en informe le président de la République.
Toutefois, cette étape franchie, c’est seulement une fois les membres du gouvernement officiellement nommés et installés, et leurs déclarations de patrimoine et d’intérêts réceptionnées par la HATVP – soit au plus tard, deux mois après leur nomination –, que pourra commencer le véritable travail de contrôle approfondi de l’autorité administrative, toujours en coordination avec le fisc.
L’histoire a montré que les vérifications de la HATVP, qui n’a pas de véritable pouvoir d’enquête et doit se fonder sur ce qui est révélé, ne sont pas infaillibles. L’autorité administrative a bien imposé ces dernières années aux ministres de nombreux décrets de déport pour éviter que leurs intérêts privés n’influencent leurs décisions publiques, et débusqué d’importants manquements dans le cadre de ses contrôles approfondis pour lesquels elle a saisi la justice – comme, par exemple, le patrimoine immobilier jugé sous-évalué de l’ex-ministre déléguée aux collectivités territoriales Caroline Cayeux, contrainte de démissionner en 2022. Mais d’autres affaires lui ont échappé, faute d’informations publiques disponibles. Ce fut notamment le cas de l’ancien haut-commissaire aux retraites Jean-Paul Delevoye, dont Le Parisien a révélé en 2019, à peine trois mois après son entrée au gouvernement, qu’il avait omis de déclarer certains revenus. Ou encore du conflit d’intérêts imputé en 2022 par le site Disclose à Agnès Pannier-Runacher en raison des liens de sa famille avec la société pétrolière Perenco, qui a contraint la première ministre d’alors, Elisabeth Borne, à lui imposer un déport sur le sujet.
Quoi qu’il en soit, le travail conduit par la HATVP marque une avancée considérable par rapport au passé récent. En effet, alors que les contrôles étaient jusqu’alors officieux et partiels, les lois sur la transparence de la vie publique de 2013 ont permis qu’ils s’effectuent sous la houlette d’une instance indépendante du pouvoir politique et que la probité ne soit plus une valeur ignorée.
Cette année, et comme elle l’avait déjà fait une première fois pour le gouvernement Attal, afin d’améliorer l’efficacité de son action et d’accélérer ses contrôles, la Haute Autorité prévoit d’inciter les membres du gouvernement, une fois nommés, à porter une attention toute particulière à la prévention des conflits d’intérêts, en déposant leur déclaration d’intérêts dans les huit jours suivant leur nomination.
Anne Michel
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